N'awlins, la ville aux notes d'éternité
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 N'awlins, la ville aux notes d'éternité  Les Bords du Mississippi  Pat O' Brien's 

 Une table du patio

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Romilly Barrett
Elle fige le temps par sa musique
Saxophoniste
Romilly Barrett
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   Posté le 28-11-2004 à 13:23:13   Voir le profil de Romilly Barrett (Offline)   Envoyer un message privé à Romilly Barrett   

(suite du marché français, le toy's child's world)

La neige avait cessé de tomber lorsque le taxi fit halte au 718 St Peter street. Un léger manteau de flocons blancs recouvrait les toits de N’awlins, mais déjà les trottoirs martelés par le pas des résidents prenaient une couleur grisâtre un peu triste. Le bitume de la route, quant à lui, avait déjà retrouvé sa couleur originelle.

Lorsque le chauffeur se retourna vers ses deux clients pour leur annoncer qu’ils étaient arrivés, Romilly sortit du demi songe dans lequel elle s’était perdue. Le voile de rêve qui recouvrait son regard d’une fine pellicule translucide se rompit, et la jeune femme désembua le carreau de la voiture de sa main pour regarder à l’extérieur. En effet, le Pat O' Brien's étalait la magnificence de son entrée à quelques pas de l’endroit ou ils étaient garés.
La rue en elle-même était un peu sombre, seulement éclairée par quelques lampadaires diffusant une lumière froide. En effet, aux abords du port, on était bien loin du luxe ostentatoire des passages marchands du Vieux Carré. Le restaurant en lui-même, cependant, était brillamment éclairé. Une lumière jaune, chaleureuse, filtrait de la devanture, invitant les passants à entrer. Les relents d’une musique, assourdis par la distance, étaient eux aussi perceptibles.

Un sourire reconnaissant vint s’inscrire sur les lèvres de la citadine, alors qu’elle fouillait dans ses poches pour y chercher de l’argent. Mais Nicolas fut plus rapide, tendant un billet 20 dollars au chauffeur. Déjà le Londonien sortait du taxi, prêt à suivre sa compagne dans le lieu qu’elle avait choisi pour eux. Alors Romilly ne pu que suivre l’élan de son ami, s’évadant de la chaleur feutrée du véhicule. Avant de refermer la portière sur l’inconnu qui leur avait servi de guide, elle lui offrit une dernière fois la délicatesse de son sourire.

« Merci monsieur. Passez de bonnes fêtes, et que l’année qui s’annonce vous soit douce »

Sans même attendre la reconnaissance pour ces paroles, qui amenèrent une nouvelle expression sur le visage du cinquantenaire, la jeune femme courut sur quelques mètres pour rejoindre Nicolas. Devant les phares de la Chrysler elle revint unir sa main à celle du photographe muet et l’entraîna en direction du bar restaurant.


La sonnette placée juste derrière la porte en bois ouvragé tinta lorsque les deux amis entrèrent, annonçant à qui voulait l’entendre que de nouveaux clients avaient cédés à la chaleureuse attraction du O’ Brien’s. Bien peu de visages se détournèrent, cependant.
En effet, en cette veille de Noël, nombreux étaient les habitués à être venus célébrer les festivités dans ce lieu couru de N’awlins.
La salle du bar, par laquelle Nicolas et Romilly étaient entrés, était comble. Toutes les tables rondes portaient leur lot de boissons, alcoolisées ou non, et nombre chaises étaient occupées par des femmes ou des hommes de tout age. L’air, d’ailleurs, était saturé d’odeur de parfum, de fragrance de rire, de la couleur bleutée de la fumée des cigarettes. Un orchestre composé de deux pianistes et d’un saxophoniste jouait un air de Blues au centre de l’estaminet.
Parmis les serveurs qui allaient au pas de course dans les allées, des plateaux surchargés posé en équilibre sur les bras, pas un ne s’arrêta devant le couple nouvellement arrivé.

Ce fut le patron du O’ Brien’s en personne qui, du fond de la salle, leva la main et l’agita pour attirer l’attention de Romilly. La musicienne répondit de même à l’homme aux cheveux blancs vêtu d’un tablier puis, tenant toujours Nicolas par la main, elle s’aventura à son tour à slalomer entre les tables.

« Eyh, bonjour petite »

Dit il quand enfin les deux jeunes gens se trouvèrent à portée de voix.

« Voilà bien longtemps que tu n’étais pas venue ici. Tu nous boudes ? Ah, mais ne t’en fais donc pas, le vieux Tony n’est pas rancunier et garde toujours une place pour ses amis. Et j’imagine que je peux compter aussi ce beau jeune homme comme un ami, à présent »

Poursuivit l’italien de souche, tout en adressant un clin d’œil amusé à Nicolas. Puis, sans rien dire de plus, celui-ci fit demi tour et se dirigea vers le patio. Une fois arrivé dans l’antre verdoyante, un peu à l’écart du reste du bar, le vieil homme débarrassa une table encombrée de plantes volontairement placées sur le bois vernis, passa un coup de chiffon d’une main experte puis désigna deux chaises.

« Voilà, vous pouvez vous installer. Pour toi la miss ce sera un Bloody Mary, non ? Et je lui sers quoi à ton amoureux ? »

En entendant ces mots, Romilly sentit le rouge lui monter aux joues. Tenir la main de Nicolas lui avait semblé tellement naturel qu’elle n’avait pas songé qu’on puisse se méprendre sur leur relation. Il était trop tard pour faire autrement, à présent, et d’ailleurs elle n’en éprouvait pas vraiment l’envie, certaine que son ami ne se formaliserait pas des paroles de Tony.

« Non Tony, pas cette fois, tu es gentil. Mon ami et moi prendrons un chocolat chaud »


Ennonça la musicienne d’une voix douce, accompagnant sa commande d’un sourire. Bien entendu l’aubergiste ne résista pas à cette expression et lui renvoya, tel un miroir, l’éclat de sa dentition. Puis, s’arrachant à cette bulle de tendresse, un peu hors du temps, dont il savait ne pas faire parti, le vieil homme s’en alla d’un pas vif.

Alors seulement Romilly lâcha la main de Nicolas. Lui indiquant une des deux chaises d’un mouvement du menton, la jeune femme dénoua son écharpe rouge, qu’elle posa sur le dossier de sa propre chaise, puis déboutonna son long manteau noir. Ses vêtements apparurent enfin, composés d’un chandail noir échancré aux épaules et d’une jupe de soie sauvage verte, sur laquelle semblait danser un papillon aux ailes enflammées.
Le manteau vint rejoindre l’écharpe, puis la musicienne s’assit en face de celui qu’elle n’avait pas vu depuis si longtemps, croisant ses jambes gainées par ses sempiternelles bottines à talons hauts. Sa main alla se poser sur le bord de la table, comme rendue groggy par tant de chaleur. Ses yeux en revanche, toujours affamés du visage du photographe revinrent s’étancher à la source des iris chocolatées.


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La musique est l'aliment de l'amour

[William Shakespeare]
Nicolas Underhill
Il crée des moments d'éternité
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Nicolas Underhill
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   Posté le 29-11-2004 à 21:16:40   Voir le profil de Nicolas Underhill (Offline)   Envoyer un message privé à Nicolas Underhill   

A peine Nicolas fut-il délesté de son billet de 20 dollars qu'il s'élançait déjà hors du véhicule, s'offrant au froid grisant de l'enténébrée St Peter Street. Bien qu'il ne se trouvait que très légèrement vêtu - une simple écharpe bleue était venue s'ajouter à sa tenue quasi estivale – le photographe ne semblait nullement affecté par la fraîcheur de cette nuit enneigée. Au contraire, il fit quelques pas sur le bitume humide et grimpa nonchalamment sur le trottoir, sous l'œil étonné d'un petit bonhomme de huit ans emmitouflé sous son bonnet, ses moufles, et son épais manteau. Ce dernier, accompagné par sa mère, n'avait pas quitté des yeux Nicolas tandis qu'il passait près de lui. Il s'était arrêté, avait tiré sur le jupon la maman qui l'avait illico entraîné par le bras sans prêter la moindre attention à la merveilleuse découverte de son fils; auquel cas elle se serait retrouvée fort désemparée à lui fournir une explication rationnelle.

Cette scénette eut pour effet salutaire de rappeler Nicolas à l'ordre. Il devait prendre garde à laisser sommeiller la vigilance des moldus; son étourderie l'ayant trop souvent mené devant les réprimandes du ministère. Piètre acteur, il tenta grossièrement de faire croire à un frisson soudain. Puis, il souffla dans ses mains nues pour faire semblant de se les réchauffer. Et tandis qu'il resserrait l'écharpe autour de son cou –laissant apparaître un petit acrobate brodé sur l'un des coins, il remerciait secrètement Jasmine de ce formidable cadeau enchanté qui lui avait permis de voyager partout sans jamais craindre la morsure du froid.

Ses pas s'immobilisèrent sur la frontière que formaient la lumière provenant du Pat O' Brien's et l'ombre de la rue. Ses sens furent d'abord attirés par l'accueillante apparence du bar restaurant d'où filtraient les éclats de rires portés par un air de Blues. Mais bien vite son oreille ne distingua plus que le bruit sec des talons de Romilly transperçant la pellicule de neige humide pour battre la mesure sur le trottoir. La partition n'avait pas changée d'un demi ton depuis que ceux-ci résonnaient dans les couloirs de Poudlard, à l'époque où les deux amis n'étaient encore que de jeunes sorciers.
Arrivant près de Nicolas, la jeune femme modéra sa course sans pourtant s'arrêter totalement. Sa main, seulement, vint se joindre à celle du Londonien qui eut à peine le temps savourer son sourire avant qu'elle ne l'entraîne vers l'entrée de l'établissement.

On eu dit à Nicolas qu'il venait de franchir quelque portail invisible menant vers un autre monde, qu'il l'aurait cru sans contester. Il y avait quelque abîme aussi grand qu'imperceptible entre la rue et l'intérieur du O' Brien's: Si là-bas la nuit était grise, sombre, et désertée de passants frigorifiés, l'endroit dans lequel il venait de poser les pieds en était l'exact opposé. Ici, la nuit ne semblait exister à l'extérieur que pour accroître l'impression d'être accueillit dans un refuge auquel elle n'avait pas accès. Elle fuyait donc ce lieu baigné de chaleur; de musique, et de voix enjouées; et dans sa fuite elle entraînait Morphée qui attendrait patiemment ses douces victimes loin de ce sanctuaire euphorique.

En photographe expérimenté, Nicolas imprima la scène sur le film de sa mémoire. Luxe de l'expérience vécue: nul doute qu'il y aurait, dans ces souvenirs, bien plus que ne saurait restituer la plus réussie des photographies.

Tout occupé qu'était Nicolas à s'imprégner de l'ambiance des lieux, il n'aperçu pas le vieil homme leur faire signe au loin. C'est seulement lorsque Romilly fit route vers le fond de la salle se faufilant gracieusement entre les tables sans même effleurer les clients – ce qui ne fut pas le cas de notre sorcier maladroit qui s'excusa silencieusement dix fois au moins durant le court trajet, qu'il devina l'objectif de cette marche aérienne pour l'une et pachydermique pour l'autre. Objectif qui n'était autre que le patron du O' Brien's.

Il ne lui fut pas difficile de comprendre que Tony reconnaissait la musicienne comme une habituée; et surtout comme une amie. Un reliquat d'accent italien planait comme un funambule sur le fil sa voix gaillarde, toutefois noyé dans celui tout particulier que seuls les natifs de N'awlins se targuent de posséder. Mais ce qui frappa le plus Nicolas, c'était la chaleur paternelle qui avait imprégné chacun des mots dirigés vers Romilly. Autant dire qu'il fut des plus touché lorsque le vieil homme déclara le considérer comme un ami. De son regard chocolaté, il exprima la plus profonde gratitude sans douter qu'il serait entendu.

L'homme leur dégagea une table habilement occupée par d'opulentes plantes vertes située dans le luxurieux patio, puis les invita à prendre place.
Mais lorsque le mot "amoureux" fut prononcé, Nicolas sentit malgré lui son visage s'empourprer. Une fraction de seconde, il hésita à retirer sa main de celle de Romilly, craignant que de ce geste, tout naturel qu'il fut, naquisse une gêne compréhensible. Mais constatant l'absence de réaction de sa part, il l'observa du coin de l'œil et fut rassuré de penser que, tout comme lui, elle ne semblait pas s'inquiéter de cette amusante méprise.

Tandis qu'elle commandait deux chocolats et que Tony disparaissait dans le voile bleuté des cigarettes consumées, il délia l'écharpe magique puis la déposa précautionneusement dans sa sacoche. Enfin il s'installa le premier, dérogeant ainsi aux règles de la bienséance, mais se permettant ainsi de détailler à loisir la tenue de son amie maintenant débarrassée de son manteau noir. Hyponomeute naissant de son cocon nocturne.

Elle fut presque trop vite assise au goût du photographe pour qui le temps avait pourtant une nouvelle fois ralenti sa course. Heureusement, en rien le charme ne fut brisé…
Leurs regards à nouveaux s'étaient emmêlés, tissant autour d'eux cette toile veloutée que le temps peinait à agripper.
Et le temps, justement, était venu de laisser les mots s'inviter aux retrouvailles. Leurs yeux avaient beau être ce que les doigts sont à un lecteur de braille, seules leurs voix auraient la juste prétention de pouvoir combler le fossé creusé par tant d'années d'éloignement.

Alors Nicolas tenta de puiser dans cette source depuis trop longtemps tarie, avec cette volonté ferme au fond des yeux qui le caractérisait toujours lors de l'affirmation résolue de ses choix.
Hélas, si vive que fut sa détermination, seul un maigre filet de voix s'échappa timidement de sa gorge, aussitôt étouffé tant par la musique qu'un éclat de voix proche, de sorte qu'il fut inaudible même à ses propres tympans.

Il était visiblement encore trop tôt pour que la parole lui revienne. Résigné, il ne se départit pourtant point du sourire qui éclairait son visage conférant à ses traits l'illusion d'une inlassable jeunesse. Il abaissa simplement les paupières un instant, s'excusant ainsi d'un mutisme qu'il savait désormais temporaire. Puis il prit soin d'articuler ces mots qui furent soufflés dans le silence de sa voix morte et portés par l'élan d'un cœur heureux:

"Raconte moi… Que devient mademoiselle fée Romilly?"


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Photographier c'est mettre sur la même ligne de mire la tête, l'oeil et le coeur.
[Henri Cartier-Bresson]

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Romilly Barrett
Elle fige le temps par sa musique
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Romilly Barrett
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   Posté le 10-12-2004 à 23:23:05   Voir le profil de Romilly Barrett (Offline)   Envoyer un message privé à Romilly Barrett   

De multiples émotions jouaient dans ces regards qui vibraient à l’unisson des deux cœurs dont ils étaient les miroirs. Tout allait trop vite, tout était trop fort, et ces nouvelles sensations étaient bien trop intenses pour la musicienne qui avait cru ranger à jamais son cœur dans un coffre de partition ayant pour serrure une clé de sol. Voilà des années qu’on ne lui avait autant offert, où peut être seulement qu’elle avait cessé d’accepter autant des personnes qui se trouvaient face à elle. Cette faim effrayante de tendresse qui faisait battre son cœur à tout rompre, elle la sustentait jusqu’au tournis.
Soudain Romy eut l’impression de sentir le monde se dérober sous son regard. Ne sachant plus vraiment comment gérer ce trop plein d’émotions, la jeune femme abaissa ses longs cils de soie sur les étendues vitriolées de ses iris. Pourtant, elle souriait toujours, de ce sourire ineffable qui n’avait pas besoin d’autre relais que lui même pour illuminer toute la physionomie de sa propriétaire. Oui, elle était heureuse, irrémédiablement heureuse. Peu importait le temps qu’il lui faudrait pour l’admettre, pour le comprendre, elle acceptait ce cadeau miraculeux qu’était la présence de Nicolas à ses côtés.

Non loin de là, un homme venait de poser les yeux sur le couple hors du temps. Andrew Carr avait monté son groupe depuis deux ans. Hugues et James, les deux pianistes, et lui même s’étaient connus à la fac de droit de N’awlins. Ils avaient connus les galères d’artistes, les plans de chaque soir, mais pour rien au monde ils n’auraient regrettés d’avoir échangé leur existence future de maîtres du barreau contre l’incertitude de leur vie de bohème. Ils aimaient se retrouver tous trois, égayer les gens par la musique qui leur sortait du corps. Une fois par mois Tony les payait pour animer le bar de son établissement.
Comme souvent, le saxophoniste laissait son regard errer sur les visages des clients pour prendre la température de leur humeur, savoir quels airs leurs conviendraient le mieux. Il venait d’observer trois amis trinquer en riant, lorsque ses yeux se posèrent pas hasard en fond de salle. La, les iris noirs volèrent du visage lumineux d’un jeune homme à la silhouette de celle qu’il regardait en souriant. Les yeux fermés, abandonnée à des songes qu’elle ne partageait pas, la femme retint l’attention d’Andrew. Les notes glissaient sur sa peau satinée, comme la lumière le faisait sur le corps d’autres femmes. Sa longue chevelure noire, dénouée, coulait librement sur ses épaules, dans son dos, en lourdes vagues souples et brillantes. Quelques flocons de neige fondus jouaient à s’imaginer perles dans les boucles bleutées à force d’être sombres. Elle était mince, ses vêtements épousaient les courbes du corps élancé, du buste légèrement penché en avant, dévoilant une sensualité involontaire. Aucun détail ne fut négligé par l’artiste, du plissé de sa jupe qui dévoilait ses genoux croisés au léger balancement de son pied emprisonné dans sa gaine de peau, lequel marquait la cadence de manière inconsciente. Le musicien se surprit à imaginer qu’elle portait des bas, puis revint avec regret à la réalité. Elle était une cliente, et il ne s’était pas rendu compte qu’en la regardant le temps avait cessé d’exister.
Il ne savait rien de sa vie, c’était certainement mieux ainsi. Elle semblait être de ces femmes qui sourient souvent mais parlent peux, ce qui suffit pourtant à rendre les autres heureux. Ephémère et légère, était ce donc l’emprunte qu’elle était destinée à laisser dans l’esprit de ceux qui la croisaient ?
Déjà le morceau de Blues se terminait. Alors Andrew entama les premiers accords de « The Lady in Red *» de l’interprète Chris de Burgh, bientôt suivit par ses deux compagnons. Hugues commença à chanter, et sa voix légèrement rauque vint s’harmoniser avec l’instrument du saxophoniste. La musique reprit toute la place en lui, et il laissa les deux inconnus à leur intime tête à tête.

Romilly, quand à elle, gardait les yeux fermés. Privée du sens de la vue, elle appréciait encore d’avantage les autres sensations que lui faisaient parvenir son corps. Le grain du bois patiné de la table qu’effleuraient ses doigts venait prendre place dans sa mémoire, ainsi que les fragrances éparses du parfum de son ami, qu’elle parvenait à dissocier des centaines d’odeurs qui les entouraient. Les premiers accords de la nouvelle chanson lui arrachèrent un léger frémissement, mais déjà ceux ci étaient supplantés par le premier essai de paroles de Nicolas.
Immédiatement, les yeux ou l’or se mêlait au poison, s’ouvrirent à nouveau pour boire les mots du photographe. L’immensité verte était un peu troublée, les larmes d’émotions auxquels les cils abaissés avaient faits barrière ne s’étant pas encore enfuies.

Ce fut ce moment que choisit Tony pour revenir avec les deux boissons demandées. Il déposa sur la table les grandes tasses desquelles s’échappaient un fumet odorant, mais ne s’attarda pas auprès de Romilly et Nicolas. Un sourire de la jeune femme le remercia, puis celle ci pencha légèrement la tête vers la droite, pensive. Visiblement elle recherchait la tonalité idéale pour ses mots, et les lèvres qui avaient retrouvé une couleur rosée frémissaient des paroles qui étaient en train de prendre forme.

« La fée Romilly ? Cela fait tellement longtemps qu’on ne m’a pas appelé ainsi. C’était notre petite princesse qui avait ce don unique pour trouver des surnoms, pour les faire vivre sur le visage de ceux à qui elle les adressait. Tu étais monsieur l’acrobate, n’est ce pas ? »

Les mains fines de la musicienne vinrent encercler la tasse de porcelaine sur laquelle avaient été dessinées des arabesques déliées, recherchant un peu de chaleur pour venir éclairer le fil de ses souvenirs. N’attendant pas vraiment de réponse à cette question à laquelle les yeux de Nicolas avaient déjà donné réponse, la jeune femme embrassa le bar du regard avant de le désigner à son ami d’un léger signe de la main.

« Et bien… Mon cher vieil ami… Je peux bien t’appeler vieil ami, n’est ce pas ? Voilà plus de dix ans que nous nous connaissons… Mon cher vieil ami, tu te trouves au cœur même de l’univers qui est miens à présent »

La voix de contre alto se modelait en un sourire né des paroles mêmes qu’elle prononçait. Toute la physionomie de Romilly était en accord avec l’endroit, avec la musique qui s’échappait des instruments pour s’écouler dans chaque parcelle de l’air ambiant.

« Je crois que la dernière lettre que je t’ai envoyée date de ma première année à Harvard. La suivante m’est revenue et puis… La vie a commencé son œuvre d’acceptation et d’oubli. J’ai donc finis mes études, puis je suis venue ici, pour vivre de la passion qui m’a toujours animée. Peut être te souviens tu combien j’aimais la musique, combien mon saxophone était précieux pour moi. Il n’y avait qu’à N’awlins que je sentais pouvoir m’épanouir. »

La saxophoniste n’avait jamais vraiment vu son timbre se colorer de l’accent de la Nouvelle Orléans. Parfois, certaines inflexions s’en rapprochaient cependant, comme lorsqu’elle prononçait le nom de la ville qui l’avait adopté. Alors ses mots se faisaient plus doux, emprunts d’une mélodie venue d’une autre époque.

« Ca fait cinq ans que je vis ici, à présent, que je joue de bars en bars, ou même parfois dans les rues. Mon destin est bien lointain de celui que mes proches avaient tissés pour moi, mais je suis heureuse ainsi. J’ai choisi ma vie, et je l’aime d’avoir suivi des méandres un rien étrange. Peut être ainsi me correspond elle mieux ? »

Le rêve était venu retrouver toute sa puissance dans le regard vitriol, à nouveau posé sur Nicolas. Puis il se teinta en un instant de malice, particularité qui lui était propre : comme si un petit lutin facétieux avait renversé un chaudron de poussière d’or sur les eaux trop calmes d’un lagon.

« Et toi, monsieur l’acrobate, qu’est tu devenu ? Comment s’écoulent tes heures lorsque tu ne photographies pas les inconnus dans la rue ? »

La jeune femme s'était bien rendue compte que son ami avait du mal à parler.. Une raison existait sans doute, mais elle savait ne pas avoir besoin de la lui demander. Le temps des confidences viendraient peut être, plus tard...

"Mais ne te forces pas à parler, ta voix semble encore fragile. Si tu préfères, je puis continuer à t'inviter sur les rives de mon histoire, tu n'as besoin que d'un sourire pour cela"

Il y avait une tendesse peu commune dans ces quelques paroles, reflets des sentiments que Romilly ressentait pour celui qui se trouvait face à elle... Rencontre inestimable qui ressemblait à s'y méprendre à un petit miracle avant Noël.


* http://www.minibite.com/romance/ladyinred.htm Voici le lien pour entendre la chanson et lire les paroles


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Nicolas Underhill
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   Posté le 26-02-2005 à 12:17:26   Voir le profil de Nicolas Underhill (Offline)   Envoyer un message privé à Nicolas Underhill   

Nicolas buvait des yeux la saxophoniste dont le regard semblait errer à travers l'ambiance laiteuse du Pat O' Brien's. Nous ne parlons pas de cette soif vorace et insatiable qu'avaient souvent les membres de la gent masculine à son égard – les souvenirs de Poudlard qui affluaient en masse dans l'esprit du londonien en témoignaient. Non. Il s'agissait tout simplement de se nourrir de l'instant présent. S'enrichir de chaque grain de sable libéré par le Grand Sablier. Profiter du temps qui passe, à tel point que celui-ci semble s'étirer puis se contracter, pour se déployer à nouveau dans un mouvement insaisissable. Lorsque autour d'un 'maintenant' irrémédiablement fugace se mettent à valser expériences passées et perspectives d'avenir dans une chorégraphie improvisée.
Voilà ce que vivait Nicolas tandis qu'il contemplait son amie. Un spectacle – alchimie d'éphémère et d'éternel - dont lui seul avait la clef…

Ce fut dans cet état d'esprit tout particulier que le photographe accueillit les mots de la Fée Romilly. Des mots à la douce saveur d'enfance. A l'évocation de ces surnoms tout droits sortis de l'imagination fertile de Jasmine, l'ancien Serdaigle fut saisit d'une heureuse nostalgie. Il suffisait que son esprit vagabonde une petite seconde autour de celle qui devint sa petite sœur – non par le sang mais par le cœur – pour qu'aussitôt un tel élan s'empare de lui.

"L'acrobate…" laissa échapper son mince filet de voix à travers un sourire indélébile.

Cependant Romilly ayant prit soin de rassembler ses mots le temps d'un regard songeur, poursuivait maintenant le récit du cours de sa vie. Nicolas, qui après cinq ans de mutisme pouvait maintenant se targuer de connaître le sens du mot "écouter", se laissait pénétrer par les paroles ouatées de la saxophoniste.

Ecouter les gens parler était, pour Nicolas, comme les entendre chanter. Les conversations aussi avaient leur musique, leur partition. Ainsi le londonien discernait les nuances de la mélodie, s'imprégnait des émotions qui coulaient au-delà des mots. Son empathie naturelle aidant, il parvint donc sans mal à s'introduire dans cet aperçu du passé que lui contait son amie.
D'un bond ils franchirent l'océan qui séparait leur séparation de leurs retrouvailles. En quelques mots, Romilly avait posé la trame de son histoire, ébauché les contours de sa vie sur une toile encore vierge aux yeux de l'Anglais. Une simple esquisse aux couleurs translucides. Nicolas en appréciait déjà les formes sibyllines, mais il savait aussi que cela ne suffirait pas. A l'évidence, il voudrait maintenant admirer ce tableau en teinte et en relief, en savourer les pigments vivants, en connaître la texture et la finesse des traits. Tous ces trésors que laissait clairement deviner l'aurore de leur rencontre.

Puis vint le moment que redoutait presque le photographe. Il réprima l'envol d'une culpabilité qui commençait à grimper en lui. La requête formulée avec tant de légèreté par Romilly était bien légitime. Nicolas lui même concevait ce moment d'amitié comme celui d'un partage. Aussi se fit-il violence. Il était temps de se prouver une nouvelle fois que du corps et de l'esprit, aucun ne dominait l'autre; mais qu'ils pouvaient agir de concert dans une volonté commune. Aiguillonné par cette force d'âme, Nicolas égrena ces mots brisés comme des éclats de verre satinés par les ans:

"Depuis près de cinq ans… l'acrobate a oublié ses mots… passe donc ses heures a photographier des inconnus… "

Il avait l'impression de pousser ses mots au travers d'une gorge grillagée. Il se découvrait une voix un peu râpeuse, sans trace visible de ses intonations chantantes d'autrefois. Peut être ces granulosités s'estomperaient-elles avec le temps? A moins qu'elles ne fassent maintenant partie de son timbre naturel… Toujours est-il que Nicolas venait enfin de rompre sereinement son vœu de silence.

Lentement, avec un manque flagrant d'assurance, il traça à son tour les reliefs de sa vie de voyageur. Il évoqua dans un murmure que seule sa compagne pouvait capter, les chemins qu'il avait arpentés, les images qu'il allait chercher parfois au bout du monde. Peu à peu, sa voix redevenait plus solide. L'effort qu'il appliquait à conserver son filet de voix audible et régulier était manifeste.

"…en fait, j'avance, tout simplement… Je flirte avec mes doutes… et mes certitudes…
Avec mes photos, j'ai l'impression… d'arracher une image périssable aux griffes du temps… Les souvenirs font ça aussi, tu sais? Mais la photo, elle, je peux l'offrir au monde!"

Le sourire qui vibrait dans ses yeux ne laissait pas soupçonner la douleur qui consumait ses cordes vocales. Nicolas décida de les soulager et s'offrit une lampée de chocolat chaud.
Comme c'était étrange. Et tellement simple! Son mutisme à l'origine était le résultat d'un choc. Puis c'était devenu un véritable choix. L'opportunité d'une nouvelle expérience jugée nécessaire –sinon utile- à son évolution.
Ah! Un étrange phénomène que ce Nicolas…


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Romilly Barrett
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Romilly Barrett
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   Posté le 03-04-2005 à 15:25:59   Voir le profil de Romilly Barrett (Offline)   Envoyer un message privé à Romilly Barrett   

Chaque phrase de Nicolas avait donné naissance à une nouvelle particule de sourire sur les lèvres de la jeune femme qui lui faisait face. Emportée par cette voix rauque, pratiquement dépourvue de toute couleur, elle avait voyagé dans le passé du photographe. Le long silence qu’il évoquait, dont le moindre de ses mots était la preuve sonore, ne l’étonnait pas outre mesure. Certes elle n’en connaissait pas la raison, pas encore, mais elle savait bien qu’il existe des moments dans une vie humaine ou l’on perd l’envie de communiquer, de s’exprimer par ce moyen trop facile et menteur qu’est la parole.

La sorcière était émue par celui qui se retrouvait enfin à ses côtés, après des années d’absence. L'instinct ainsi que la finesse de son oreille lui apprenaient les efforts qu’il demandait à ses cordes vocales pour pouvoir lui raconter son histoire, pour lui faire partager ses couleurs de vie. Il se livrait à elle en toute confiance, sans éprouver la moindre honte pour sa voix étouffée, pour ces fêlures perceptibles à chaque respiration.
C’était cette confiance qu’il lui accordait qui touchait le plus Romilly. Elle lui avait raconté quelques bribes de sa vie, certes, mais il lui faisait don de lui en retour. Il lui offrait bien d’avantage qu’une ébauche d’existence, il lui ouvrait les portes de son âme.

Alors que son ami cherchait ses mots, luttant avec les muscles de sa gorge pour produire une musique destinée à elle seule, Romy délaissa sa tasse de chocolat pour retrouver la main de Nicolas.
Elle se sentait poussée vers lui, avait l’envie irrépressible de lui faire sentir qu’elle était la, qu’elle comprenait, qu’elle le remerciait. Aucun mot n’aurait eu la force des émotions qu’elle ressentait et c’était elle qui se retrouvait muette devant l’homme qui avait passé cinq années dans le silence. Ses yeux en revanche parlaient, répondaient à chaque souvenir de l’Anglais, vacillaient de sentiments à la lueur incertaine de la bougie qui se consumait à leur table. Ses doigts quand à eux ne faisaient qu’effleurer la peau de son ami, caresse tendre et légère qui ne se voulait pas possessive.

La musicienne, comme souvent d’ailleurs, avait perdu toute notion du temps. C’est dans un songe qu’elle avait entendu se tarir le filet de voix de son ami, qu’elle l’avait vu porter le liquide encore fumant à ses lèvres. Ce silence retrouvé entre eux, loin d’être une contrainte, lui semblait être une pause bienvenue dans leur redécouverte respective. Il était bon de le sentir simplement la, de ne pas avoir à combler chaque seconde par des paroles inutiles. Lui qui avait écouté sans rien dire pendant si longtemps devait connaître les bienfaits de cette quiétude dépourvue de mots. Elle n’avait pas à craindre de le gêner en ne disant rien, en profitant simplement du bonheur de s’être retrouvé.
Alors Romilly se taisait, laissait le sourire bouleversant de ravissement prendre toute la place sur ses lèvres, dans son cœur. Ses yeux que la joie illuminait de myriades de petites lumières vagabondaient quand à eux sur le visage du photographe. Elle redécouvrait son ami, cherchait à superposer son visage au souvenir qu’elle conservait au plus profond de sa mémoire. Avait il changé ? Pas tellement, sans doute. Il avait gardé une certaine fragilité dans son apparence, lègue de son enfance. Son visage lui même n’avait pas subit les assauts du temps : Il se dessinait un peu mieux, les années ayant sculpté avec d’avantage de finesse les traits esquissés dans l’adolescence. De grands yeux bruns, des cheveux indisciplinés, une peau lisse ou, même à cette heure avancée, l’ombre d’une barbe n’osait pas apparaître. Les eaux de ses iris recelaient cependant une mélancolie dont elle n’avait pas souvenance… Peut être était elle née avant son long mutisme. L’alcool du regard de la jeune femme dilua cependant rapidement ces quelques vagues et retrouva le bonheur inhérent à la vie même de Nicolas, cette joie de vivre qui trouvait reflet dans son sourire. Un étranger lui aurait à peine donnée 23 ans.
Non, décidément, son ami d’enfance n’avait pas changé.

Un instant ses doigts vinrent presser la main du photographe, puis la musicienne repoussa sa chaise, se relevant vivement. S’était il passé quelques secondes, quelques minutes ou plusieurs heures depuis qu’il avait cessé de parler ? Elle n’en avait aucune idée et n’en avait cure. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle voulait à présent lui montrer ce que elle, elle offrait au monde… La façon qu’elle avait de capturer l’éternité pour ensuite la laisser s’envoler hors de l’étreinte de ses doigts. Romilly savait n’avoir jamais joué pour Nicolas. Mais elle voulait lui parler à présent, de cœur à cœur.
Après un dernier sourire elle se détourna, et partit en direction de l’estrade. La jeune femme ne fit cependant que quelques pas avant de se figer. Puis elle fit demi tour, s’avança jusqu’à son ami, se pencha vers lui et l’embrassa tendrement sur la joue gauche, alors que ses boucles noires venaient s’enrouler autour du jeune homme.

« Grâce à ta présence, cette soirée est arrachée aux griffes du temps pour vivre à jamais dans mes souvenirs. Merci Nicolas »

Chuchota-t-elle avant de s’éloigner de lui. La sorcière s’approcha avec assurance d’Andrew Carr, qui venait de terminer un morceau, et s’entretint avec lui quelques secondes à mi voix. Celui ci se mit alors à sourire, puis lui tendit son instrument, dont elle s’empara en le gratifiant d’un regard reconnaissant.
La saxophoniste alla alors s’installer sous la lumière bleutée de la scène, s’appuyant à demi sur le tabouret haut installé la. La fente de sa jupe de soie sauvage s’ouvrit légèrement, dévoilant la peau satinée de la jeune femme, tendis que le papillon peint semblait prendre son envol. Quelques regards se portèrent sur la nouvelle interprète, mais celle ci ne sembla même pas s’en rendre compte. Depuis la seconde ou elle s’était installée sous la lumière froide du projecteur, pas un instant ses yeux n’avaient déviés de Nicolas. Ses iris frémirent mais ne se détournèrent pas lorsqu’elle ses lèvres se posèrent sur la hanche noire de l’instrument. Puis elle inspira, et de son souffle naquirent toutes les émotions qui affolaient son cœur désordonné depuis que sa route se trouvait à nouveau mêlée à celle du sorcier anglais.
Les notes joyeuses enflaient dans la salle, prenaient de la puissance, se gorgeaient de félicité, de confiance en l’avenir, de remerciements non adressés. Toute cette musique qui pulsait dans les mains de la musicienne montait jusqu’à ses prunelles pour se déverser en celui à qui elle était adressée.

En ces instants ou sa musique prenait toute sa place dans le lieu clos qu’était le bar de Tony, Romilly ne demandait rien pour son avenir. Elle n’avait aucun désir précis, aucune envie inavouable, aucune supplique à adresser à Nicolas. Elle n’aurait pas même songé à l’accabler de promesses à tenir, de vœux à exaucer. Elle prenait le moment présent et se laissait aller à l’émerveillement. Bien que n’en ayant aucune envie, elle aurait accepté sans amertume qu’ils se quittent à le fin de cette soirée pour ne plus jamais se revoir. Qu’ils ne soient qu’une parenthèse dans l’existence de l’autre. Elle n’était que bonheur, gratitude.
La jeune femme jouait sa foi absolue en la vie, en un destin auquel elle avait toujours cru. Ses notes tourbillonnaient, ivres de leur propre vitesse, insaisissables et pourtant bien présentes.
Pas une fois les paupières frangées de cils sombres ne vinrent ombrer le regard étrangement fixe de la musicienne.


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La musique est l'aliment de l'amour

[William Shakespeare]
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