N'awlins, la ville aux notes d'éternité
Administrateurs : Ecrivain, Nicolas Underhill, Romilly Barrett
 
 N'awlins, la ville aux notes d'éternité  Le Vieux Carré  Le Laffitte Blacksmith Shop 

 le bar, un soir d'hiver

Nouveau sujet
 
Bas de pagePages : 1  
Cassandre Preville
Mamba Vaudou
Habitant de N'awlins
Cassandre Preville
4 messages postés
   Posté le 22-01-2005 à 20:29:11   Voir le profil de Cassandre Preville (Offline)   Envoyer un message privé à Cassandre Preville   

Les soirées se ressemblaient toutes, au Laffitte Blacksmith Shop. Derrière le pas d'une porte noircie par les ans des hommes et des femmes s'attablaient autour des alcools ambrés de la Louisiane. Leurs voix semblaient comme étouffées par l'obscurité poisseuse qui régnait dans le bar ainsi que par la fumée bleutée des cigarettes que les clients allumaient sans s'inquiéter des lois en vigueur.
Parfois des personnes encapuchonnées, à l'allure souvent étrange, passaient le seuil de l'établissement. Après un signe de tête au patron ils disparaissaient rapidement par une petite porte située derrière le comptoir, pratiquement invisible à un œil non expérimenté.

Ces échanges et ces disparitions discrètes ne semblaient pas inquiéter les serveuses qui se faufilaient entre les tables. Elles ne paraissaient d'ailleurs par le remarquer, sauf une, peut être. Mais après un regard aigu en direction de ces clients peu conventionnels, la petite femme vêtue de rouge cillait rapidement et retournait s'occuper de ceux qui l'interpellaient bruyamment.
Un plateau posé bien à plat sur sa main droite, la serveuse aux lourdes boucles noires se jouait des obstacles, des bras qui se tendaient pour lui saisir la taille, des pieds qui entravaient parfois le passage. Souvent lourdement chargée de bocs ou de tasses, Cassandre travaillait efficacement pour répondre rapidement aux différentes commandes. Cependant son attitude n'était pas exactement semblable à celle des autres serveuses. Il lui arrivait, lorsqu'elle servait un verre de Rhum à un homme, d'y tremper tout d'abord les lèvres, y laissant l'emprunte de son rouge à lèvre incarnat.

Parfois même la jeune femme s'asseyait un instant sur les genoux d'une de ses proies consentantes avant de se pencher à son oreille et murmurer quelques paroles à mi voix. Puis elle se relevait vivement, ne laissant traîner dans l'air que la fragrance de son parfum ainsi qu'un morceau d'étoffe rouge, lequel fendait paresseusement l'air avant de revenir épouser ses jambes.
Déjà, Cassandre s'était faufilée à une autre table.

Il en était de même soir après soir, depuis près de six mois. Le patron s'était résigné à tolérer ce comportement peu conventionnel, car la femme qui en était à l'origine sortait elle aussi des normes préalablement établies. Elle avait accepté de lui rendre service, quittant trois fois par semaines son rôle de serveuse pour s'exposer sous les lumières verdâtres de la scène aux regards des clients. Il acceptait en retour qu'elle fût différente de ses autres employés.

En ce soir de février, rien n'indiquait que la soirée dusse se terminer d'une manière différente qu'à l'ordinaire. Sur les trois heures du matin la jeune femme reprendrait le chemin des docks, les yeux embués de rhum.

Mais la vie n'est pas une pièce de théâtre. Jamais les trois coups n'indiquent l'ouverture du rideau sur un nouveau tableau.


--------------------
Cyriac Willington
Enfant des Ténèbres
Cyriac Willington
5 messages postés
   Posté le 01-02-2005 à 11:02:40   Voir le profil de Cyriac Willington (Offline)   Envoyer un message privé à Cyriac Willington   

Le coin qu'il avait choisit était probablement le plus sombre de l'établissement. Une énorme poutre en bois massif faisait barrage à la lumière artificielle qui peinait à parvenir jusqu'à cette alcôve aménagée, de sorte que seules quelques bougies allumées sur leurs chandeliers muraux offraient une lumière vivante à la table de Cyriac. Il avait toujours aimé la lueur des flammes qui conférait à son visage trop pâle des traits plus humains que ces nouvelles lanternes électriques. Le verre de vin qu'il faisait rouler entre ses doigts restait désespérément plein, et lui même semblait absorbé depuis des heures dans la contemplation des éclats de rubis qui jouaient à se fondre dans le liquide tournoyant.

Le chapeau qui couvrait sa tête et retenait ses longs cheveux loin de son visage avait appartenu à sa dernière victime. Rien dans la douce humanité de ses traits ne laissait présager sa cruelle nature d'assassin. Au contraire, dans ses habits d'artiste bohême Cyriac entrait parfaitement et sans efforts dans la peau du jouvenceau utopiste persuadé d'avoir le monde au creux de la main. Peut être après quelques années de cette comédie, finirait-il lui même par y croire?

Sans doute pas… Mais d'autres que lui y croiraient. Ils seraient bientôt ses miroirs manipulés à sa guise, et lui renverraient ce reflet apocryphe tellement plus agréable que la vérité. Il serait humain au travers des yeux d'autrui, le temps d'une courte vie.


--------------------
Haut de pagePages : 1  
 
 N'awlins, la ville aux notes d'éternité  Le Vieux Carré  Le Laffitte Blacksmith Shop  le bar, un soir d'hiverNouveau sujet
 
Identification rapide :         
 
Divers
Imprimer ce sujet
Aller à :   
 
créer forum