N'awlins, la ville aux notes d'éternité
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 Sur un air de jazz

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Opium
Gare aux griffes opiacées
Aristochat
Opium
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   Posté le 26-10-2004 à 18:00:30   Voir le profil de Opium (Offline)   Envoyer un message privé à Opium   

Petit matin sur la Nouvelle Orléan, quand l'aube rosée vient d'entrouvrir les yeux. Que les rideaux laiteux de son berceau de nuages s'écartent doucement. Quand les créatures de la nuit ont rendez vous avec Morphée, et qu'elles laissent place aux papillons pour qui cette journée sera la dernière.

Les rayons naissant, encore faibles et pâles s'étalaient mollement sur la façade de cet illustre établissement qui se dressait depuis si longtemps déjà, indifférent au temps... Le Café du Monde... Petit dejeuner, odeur de sucre et de café qui parfumait l'air et aiguisait les faims...

L'estomac du félin au pelage noir comme l'ebene se tordit, lui rappelant cruellement qu'il y avait quelques temps déjà que les poubelles n'avaient été le coffre d'aucun trésor. Les prunelles grandes ouvertes, Opium jetait sur le monde son regard jade. La tête fièrement levée, la queue dressée comme un étendart, le matou se dirigea sans un bruit vers le bâtiment qui commençait à se remplir de ses habitués matinaux.

D'un bond souple il s'installa sur le parvis de bois, presque à côté de l'entrée, le dos droit, les moustaches tremblantes. Sa tête fine de dieu égyptien suivait les allées et venues des humains avec l'air distrait et vaguement languissant du vieux matou blasé.

En général les humains, si crédules, se laissaient prendre au piège. Et si ces êtres sans coeur qui portaient le nom de clients ne daignaient pas lui faire la charité, Opium savait qu'il pourrait compter sur la generosité desinteressé du patron...



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Opium ! Poison de rêve
Fumée qui monte au ciel
C'est toi qui nous élève
Aux paradis artificiels.
Papa Jo
Jazzman
Papa Jo
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   Posté le 28-10-2004 à 08:27:17   Voir le profil de Papa Jo (Offline)   Envoyer un message privé à Papa Jo   

(* sort un PNJ de derrière les fagots, rien que pour le chat ^^ * )

Il était tôt en effet, ou bien tard selon le point de vue. A cette heure où les premiers rayons de soleil réchauffaient aussi bien les clients matinaux que les derniers fêtards de la nuit; deux univers bien différents. On ne dissociait pourtant ces deux catégories que par l'état de leurs vêtements et de leurs coiffures, propres et lisses pour les uns, froissés en désordre pour les autres.

C'est à cette même heure que tous les matins depuis vingt-cinq ans résonnait la même musique approchant depuis le bout de la rue. Le même air d'harmonica, à la fois entraînant et flegmatique, simple et poétique. La musique de Papa Jo' était un hommage au jour nouveau. Elle se mêlait aux effluves de café et de croissants chauds, attisant un appétit vorace de liberté chez les touristes autant que chez les habitués.

Le vieil homme avançait sur les pavés encore humides de rosée d'une démarche qui n'appartenait qu'à lui. En dépit de son dos courbé sous le poids des ans et les souvenirs de durs labeurs dans les champs, chaque foulée était tel un joyeux pas de danse, une nonchalance panachée d'allégresse. Chaque pas semblait minutieusement temporisé, car toujours il posait le pied sur la terrasse du café du monde au moment même où se terminait la sempiternelle mélodie sur une note en trémolo.

Il s'asseyait alors à même le bois de la terrasse, dos appuyé contre le même pilier, et saluait le monde de son sourire éclatant.

" Salut Papa Jo' " fit la serveuse tout en déposant un café chaud prés du musicien.
" Merci ma belle!" Sa voix possédait toute la chaleur de l'endroit qui l'avait vu naître et la dureté rocailleuse de ceux qui ont longtemps abusés d'alcool, de rires, et de tabac. " Tu embellis de jour en jour. " fit-il sur un ton de confidence avant que la jeunette ne s'éloigne, sourire au cœur.

De ses énormes mains où s'inscrivaient dans chaque creux et rides toute une vie de travail, il fouilla les poches de son pantalon tout droit extrait des années 50, et en tira son petit déjeuner. Un bon morceau de viande séchée.

L'air de rien, mais une lueur espiègle dans l'œil gauche, il en déchira une minuscule tranche qu'il jeta à quelques mètres de lui.


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Ce que nous jouons, c'est la vie.
[Louis Armstrong]
Opium
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   Posté le 29-10-2004 à 18:17:59   Voir le profil de Opium (Offline)   Envoyer un message privé à Opium   

( trop d'honneur ^^)

Les notes de musiques qui quittaient l'harmonica pour venir se perdre dans l'air s'enroulèrent avec joie autour du cou d'Opium, telle ces vapeurs dont il portait le nom. Les chats de N'awlins ont le ryhtme dans la peau, plus que nul part ailleurs... Roi fierement assis, surveillant son fief, le matou se mit à battre la mesure alors que le vieil homme aux airs de poète s'avançait vers le Café du Monde.

Ce n'était pas la première fois que ses yeux verts rencontraient le visage buriné du musicien. Guère impressionné, il suivit son arrivé la tête légèrement penché, attentif, son regard d'une étrange fixité ne quittant plus Papa Jo, comme s'il savait déjà que l'homme était de tous les clients celui qu'il attendait.

Les mains solides fouillèrent les poches en même temps que les muscles d'Opium se tendaient, instincts de chasseur que même la vie citadine ne réussit pas à éradiquer. Et bientôt la viande sèche apparut, l'estomac du félin fit entendre sa joie d'une façon discrète alors que les pupilles se rétractaient, que les sens s'aiguisaient.

Papa Jo avait à peine jeter sa pitance à son compagnon à quatre pattes que celui ci l'avait saisi au vol, agile, rapide et précis, les moustaches frémissantes et l'oeil clair. Puis, retrouvant ses manières de dandy, l'aristochat retourne s'installer à sa place initiale pour manger délicatement son "butin", ses crocs acérés en venant à bout sans difficultés.

Il était plutôt satisfait, il n'aurait pas cru que le destin répondrait si vite à ses attentes, celui qui pour ce jour avait joué le rôle de messie méritait sans doute un peu plus que sa froide indifférence. Opium n'était pas dénué de savoir vivre, bien au contraire. Une fois son repas terminé, une langue rose et rapeuse fit son apparition pour rendre aux babines toute leur propreté, il se devait d'être présentable que diable.

Enfin, cette sommaire toilette terminée, le matou, pas à pas, silencieux sur ses coussinets, se rapprocha comme un fantôme du vieil homme assis à quelques mètres de lui. S'arrêtant juste devant Papa Jo, ses deux prunelles jade le remercièrent de sa générosité dans un language qui bien que silencieux n'en était pas moins explicite.



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   Posté le 05-11-2004 à 09:51:00   Voir le profil de Papa Jo (Offline)   Envoyer un message privé à Papa Jo   

Le vieil homme savourait l'instant qui précédait l'envol du félin. Par habitude maintenant, il en connaissait chaque accord de la partition: Les pupilles devenant simple fissure dans le jade pur, le moindre muscle qui se tendait imperceptiblement affinant un peu plus le corps de l'animal, les moustaches frémissantes, et la queue droite comme une rapière. Tous les sens concentrés sur un seul point de mire.

Aussitôt la nourriture quittait ses doigts rêches que le chat s'élançait vivement à sa rencontre, avec la précision du prédateur dont la vie dépend uniquement de ses succès à la chasse. Véritable panthère en miniature qui n'avait rien à envier aux grandes. Quand le chat bondit, le cœur de Papa Jo' en fit autant.

Oh bien sur, un lecteur peu scrupuleux pourrait nous taxer d'exubérance quand à l'enthousiasme de Papa Jo' pour un simple chat se saisissant d'une proie déjà morte! Mais ce serait nous juger hâtivement, car de ce vieux Jazzman, rappelons que nous ne savons presque rien…

Apprenons lui donc, à ce lecteur, que notre homme naquit en Louisiane dans les années 20. Epoque aussi trouble que joyeuse, reflétée par une musique née alors depuis peu. Période où les blancs font lois, et les noirs font foi. Little Jo' rêvait de musique, d'indépendance, de liberté. A défaut de le vivre, il chantera son peuple libre pendant 80 ans. Dans les champs, dans les rues, à la guerre, dans les bars, les églises, ou dans les salles de concerts; partout où l'on voulait de lui, et parfois même où l'on ne l'y voulait pas...
Puis Little Jo' est devenu Papa Jo', mais jamais sa soif de liberté de s'est éteinte.

Aussi, lorsqu'il admire la grâce de ce félin en plein vol, c'est son appétit de vivre qu'il reconnaît là. Animal affranchit des règles absurdes que font les hommes, le prédateur qui chasse exprime sa propre musique; Papa Jo' étaient de ceux qui savent l'écouter…

"Mais je t'en prie." Fit le vieil homme qui, visiblement, entendait aussi le langage des chats.
Dans le même temps, il se saisit de la tasse qui paraissait minuscule dans ses grandes mains, et absorba le liquide brûlant d'un seul trait. Il ferma les paupières dont les ridules s'étiraient comme des rayons de soleil dessinés par les enfants, et apprécia la chaleur qui, s'insinuant dans son œsophage, réchauffait peu à peu ses membres.

Puis il porta son instrument à la bouche, gonfla ses joues comme ces crapauds en manque d'attention, et entama un air bien connu des habitants de N'awlins, ode à un célèbre établissement aujourd'hui disparu: "The House of the Rising Sun".
Le joueur d'harmonica se contenta du thème, mais bien vite les paroles de quelques habitués en mal de fête et de chanson virent à l'accompagner. Et l'on pu vite entendre chantonner avec force entrain et nombre fausses notes:

"THE HOUSE OF THE RISING SUN

There is a house in New Orleans, they call the Rising Sun
And it’s been the ruin of many a poor boy and, Lord, I know, I’m one.

My mother was a tailor, she sewed my new blue jeans,
My father was a gambler, down in New Orleans.

And the only thing a gambler needs is a suitcase and a trunk,
And the only time that he is satisfied is when he’s on a drunk.

He’ll fill his glass up to the brim and pass the cards around
The only pleasure he gets out of life is rambling from town to town.

Oh mothers, tell your children, not to do what I have done
Spend your life in sin and misery in the House of the Rising Sun.

With one foot on the platform and one foot on the train
I’m going back to New Orleans to wear that ball and chain.

I’m going back to New Orleans, my race is almost run,
I’m going back to end my life in the House of the Rising Sun."


La musique ne se tut qu'après un long solo de Papa Jo' emporté par le flot des sons mâtinés de joie. L'on applaudit bien fort musicien et chanteurs improvisés. Regards et sourires d'inconnus se croisèrent un instant. Et chacun reprit son activité, le cœur sans doute un peu plus léger…


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   Posté le 14-11-2004 à 14:14:00   Voir le profil de Opium (Offline)   Envoyer un message privé à Opium   

Etrange que cet homme lui réponde.. Qui aujourd'hui parlait encore aux animaux... Les êtres humains se pensaient tellement supérieur, au sommet de la création... Ils oubliaient que dans ce monde tout être vivant dépend des autres, la vie entière est un équilibre fragile qu'il faut se battre pour concerver. Certains jours, lorsque le soleil paresseux était resté dormir au creux de nuages anthracites, le chat en costume noir se surprenait à compter le nombre de vie qui lui restaient.

Mais son instinct était toujours le plus fort, comme une chaîne dont il ne pourrait jamais se libérer... Avait on déjà vu un chat se jetant délibérément sous les roues d'une voiture... Et en toute honnêteté il n'avait pas envie de disparaître à cause d'un de ces bipèdes aux moeurs étranges. Non qu'il détesta les humains, il aurait fait preuve d'un egoisme sans borne, ne venait il pas d'être nourri par l'un d'eux? Simplement il ne les comprenait pas... Ne comprenait pas leurs attitudes, leurs actions. Jamais il n'avait rencontré de créatures aussi peu prévisibles, capables du meilleur comme du pire, de lui offrir un bol de lait chaud comme des coups de balais...

Ainsi de l'incompréhension naissait la méfiance, et le félin aux yeux clairs ne laissait plus souvent glisser les mains sur sa fourrure soyeuse. Etait il donc le seul de sa race capable de penser? Il en doutait, ailleurs devaient se trouver d'autres chats aux yeux tristes, étranges observateurs à moustaches, dotés d'une âme humaine et d'un corps animal... Des monstres au fond...

Papa Jo' avait le visage marqué par une vie qui n'avait pas du être facile, et pourtant il ne dégageait pas ce cynisme propre aux grands blessés qui n'espèrent même plus la guérison. Au contraire la vie semblait l'irriguer de toute part, faisant briller ses yeux, sombres éclats d'obsidienne...

La musique s'échappa bientôt, capable d'envoûter tous ceux dont le coeur battait encore assez fort pour savoir aimer. Les voix se mêlèrent aux notes, symphonie de son qui fit fermer les yeux du félin avant qu'il ne se laisse paresseusement caresser par les rayons du soleil, offrant à l'astre du jour son ventre charbon.

Un vent frais ébourriffa soudain les poils noirs, faisant se redresser le matou contrarié. La tête penchée, il observa encore quelques secondes l'homme qui se tenait non loin de lui, ses prunelles sybillines ne laissant rien deviner des pensées qui l'habitaient. Et puis, prince déchu d'un royaume oublié, il se mit en route, voleur silencieux, pour venir d'installer sur la cuisse du musicien, à peine plus lourd qu'une plume, crânement appuyé contre le ventre de Papa Jo.

Puis, angélique ambassadeur, il leva ses prunelles magiques vers le vieil homme, demandant une permission qu'il n'avait pas attendu d'avoir...



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