N'awlins, la ville aux notes d'éternité
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 Oak Alley

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Ecrivain
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   Posté le 05-01-2005 à 14:10:50   Voir le profil de Ecrivain (Offline)   Envoyer un message privé à Ecrivain   

Santino écrasa sa cigarette à moitié consumée sous son talon, avant de la jeter sur le pavé humide. Le soleil, qui s'engouffrait encore dans l'étroite ruelle il y a quelques minutes, cachait maintenant son ardente couronne derrière les hautes toitures des maisons environnantes. Les ombres s'étaient lentement étendues jusqu'à se rejoindre en tissant une pénombre oppressante autour de l'homme en imperméable noir. Il réajusta son chapeau de facture italienne sur son crâne, remonta le col de son manteau sur ses joues, et s'engagea d'un pas rapide dans l'allée étroite et encombrée de détritus qui longeait les bâtiments vieillissant. Seul l'écho de ses pas brisait le silence de la ruelle obscure, pourtant il s'arrêta soudain et se tourna vivement.

Un instant, un frisson avait parcouru sa nuque, accompagné de l'impression désagréable d'être épié. Mais après une rassurante inspection des lieux, il fut convaincu d'être le seul rôdeur des environs. Alors il grimpa sur le muret de brique qui lui faisait face, et lorsqu'il atterrit dans le jardin verdoyant, son plan était déjà arrêté dans son esprit. Il attendrait sous les branches d'un saule pleureur que les lumières de la chambre à coucher s'éteignent, puis il irait tuer son "client".


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Le vrai écrivain n'est pas celui qui raconte des histoires, mais celui qui se raconte dans l'histoire. La sienne et celle, plus vaste, du monde dans lequel il vit.
[Philip Roth]
Cyriac Willington
Enfant des Ténèbres
Cyriac Willington
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   Posté le 05-01-2005 à 14:17:50   Voir le profil de Cyriac Willington (Offline)   Envoyer un message privé à Cyriac Willington   

Aussitôt éveillé, Cyriac avait perçu les pensées malfaisantes de l'homme camouflé sous le saule pleureur, près de son refuge. La soif déployait ses griffes dans chaque cellule du corps de l'immortel. Elle enserrait son esprit tout entier, dissipant toute autre envie que celle d'aller chasser le délicieux fluide vital. Et cette proie qui se croyait chasseur, patientant inconsciemment à deux pâtés de maison de son antre, captivait toute son attention invisible.

Cyriac avait déjà enduré trois nuits de jeune. Il aimait résister au démon qui l'animait; luttant contre la petite soif jusqu'à ce qu'elle devienne trop grande, trop puissante. Comme ce soir. Il aimait cette douce ivresse, cette perte de contrôle sur lui même. Il savait que cette nuit, la mort serait au rendez vous…

Le grand miroir du salon lui révéla son image fantomatique. Ses traits, déjà finement dessinés d'ordinaire, suivaient maintenant les courbes abruptes de son ossature. La pâleur de son visage encadré de longs cheveux d'ébène laissait croire qu'un masque luminescent dansait seul dans le miroir. Seulement au fond des yeux d'un noir profond, brillait une faim de prédateur terrible.


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Ecrivain
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   Posté le 05-01-2005 à 14:29:09   Voir le profil de Ecrivain (Offline)   Envoyer un message privé à Ecrivain   

Santino observait les leurs bleutées qui clignotaient dans la chambre à coucher depuis plus d'une heure. Il bu une bonne rasade de scotch, et secoua le flacon qui se révéla presque vide avant de le ranger dans sa poche intérieure. Il n'estimait pas parfaitement nécessaire de posséder toutes ses facultés pour cette mission simpliste. Abattre un témoin gênant surveillé par deux flics corrompus était un enfantillage pour le tueur aguerri qu'il était. Aussi, peut être l'ivresse légère lui apporterait-elle un peu de piquant…

Enfin la télévision s'éteignit. L'homme dans la chambre allait s'endormir de son dernier sommeil. Santino avait décidé de faire ça proprement. Il ajusta le silencieux sur son revolver, et glissa parmi les ombres jusqu'au parvis de la maison, imaginant l'instant délicieux où la mort viendrait se peindre sur les traits de sa victime. Aurait-elle cette fois ci la couleur de l'angoisse, de l'étonnement, ou bien simplement de la résignation?

Mais une image vint alors envahir son esprit, le figeant dans sa progression en plein milieu du jardin.
C'était sa propre mort qui venait de s'imposer à lui. Laide et écoeurante. Son visage torturé et livide, la langue affreusement pendante, les yeux révulsés. Une puissante odeur de terre s'insinua dans ses narines, comme s'il était déjà en train de pourrir dans son cercueil. D'ailleurs, il était paralysé. Ses bras se heurtaient à un impitoyable étau.

La vision cessa soudain, et la capacité de se mouvoir lui revint. Santino était toujours au milieu du jardin, la lune y jetait la lumière laiteuse éclairant sa seule présence.


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Le vrai écrivain n'est pas celui qui raconte des histoires, mais celui qui se raconte dans l'histoire. La sienne et celle, plus vaste, du monde dans lequel il vit.
[Philip Roth]
Cyriac Willington
Enfant des Ténèbres
Cyriac Willington
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   Posté le 05-01-2005 à 14:59:31   Voir le profil de Cyriac Willington (Offline)   Envoyer un message privé à Cyriac Willington   

Cyriac attendit le dernier instant avant de se décider à se montrer. Blanche apparition squelettique, grotesque pantin déguisé en homme au costume impeccable et aux chaussures cirées; et pourtant terrifiant personnage.

L'homme qui lui faisait face et qui se prétendait assassin était pétrifié de peur. La terreur suait de cet être et Cyriac en ressentait chaque vague sur sa peau. Chaque vibration l'approchait plus près de sa victime. Chaque battement de cœur de ce dernier le rapprochait de sa mort. Et il le savait.

La soif atteignit son apogée, ses cellules affamées lançaient des cris de douleur à même sa chair. Un voile obscurcit sa vision tandis que la bête qui sommeillait en lui prenait possession de ses mouvements. Lui, s'oublierait quelque temps dans le délice de ses songes mêlés à ceux d'un inconnu agonisant.

D'ordinaire, l'anglais centenaire n'aimait pas tuer. Mais au fil du temps, il s'était aperçu que le monstre qu'il était ne pouvait se satisfaire de sang seul. Il lui fallait prendre des vies, distribuer la mort. C'était inévitable.

Parfois, cet inévitable s'était abattu sur des gens qu'il aimait. Aujourd'hui, il était plus vigilant. Lorsque les prémisses de cet appétit morbide se faisaient sentir, il préparait ce petit rituel ascétique. La torture de la faim le menait à dépasser ses considérations morales. Il choisissait ses victimes pour le sang qui entachaient leur main, et laissait le monstre se repaître de sa vie…

Le cœur qui battait furieusement à l'unisson avec le sien commençait à s'apaiser. Bientôt, il allait s'éteindre.


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Cassandre Preville
Mamba Vaudou
Habitant de N'awlins
Cassandre Preville
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   Posté le 06-01-2005 à 13:56:25   Voir le profil de Cassandre Preville (Offline)   Envoyer un message privé à Cassandre Preville   

Elle avait déjà trop bu ce soir la, et sentait les effets de l’alcool ambré courir le long de ses veines, prendre possession de tout son corps. Et pourtant, la soirée était à peine entamée, elle continuerait sans doute à boire jusqu’à ce que l’aube se lève, jusqu’à ce que les ivrognes du Laffitte Blacksmith Shop s’endorment à même les tables, oublieux de la soirée passée.

Comme souvent pour se rendre à son travail, Cassandre Preville n’avait pas hésité à emprunter les rues les plus mal famées de N’awlins, sous le simple prétexte qu’elles étaient en fait des raccourcis. Ses pieds menus de danseuse ne faisaient aucun bruit sur l’asphalte brun, malgré les petits talons des chaussures qu’elle portait.
En retard la jeune femme se hâtait, sans réellement porter attention aux scènes plus ou moins macabres qui se déroulaient non loin d’elle. Cependant, alors qu’elle traversait Oak Alley, un frisson nouveau, venu lui parcourir l’échine, la figea.

Lentement le regard céruléen alla se porter à quelques mètres, la ou l’ombre d’un saule pleureur rendait l’obscurité opaque. Pourtant les yeux clairs, à présent débarrassés des brumes de l’alcool, étaient fixes, semblant percer l’ombre la plus noire. Voyait elle réellement l’étreinte morbide ? Telle était du moins l’impression qu’elle donnait, silhouette immobilisée à quelques pas d’une scène dont la simple vue pouvait entraîner sa propre mort.

Malgré tout, la danseuse ne semblait pas avoir peur, peut être tout simplement parce que ce sentiment lui était inconnu. Elle ne cria pas non plus pour appeler les secours, laissant l’enfant des ténèbres accomplir son méfait. Au bout d’un temps indéterminé ses mains esquissèrent des signes imperceptibles dans l’air, elle murmura trois mots en créole pour conjurer la vieille mort puis cracha par terre.

Alors seulement Cassandre se détourna, reprenant son chemin comme si rien n’avait troublé sa marche rapide.


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